Le prototypage, la solution pour tangibiliser les projets en entreprise ?

27/02/2025
Par Roxanne Spies

Dans un monde entrepreneurial en constante évolution, les entreprises cherchent des moyens concrets pour donner vie à leurs idées et accélérer l’innovation. Le prototypage s’impose comme une méthode clé pour transformer des concepts abstraits en solutions tangibles. Le prototypage favorise ainsi la collaboration, la créativité et la prise de décision éclairée.

 

Mais en quoi consiste réellement cette démarche et pourquoi est-elle devenue indispensable pour les organisations ? Explorons ensemble les points clés de cette approche stratégique.

Le prototypage : un outil pour aligner et dépasser la contrainte du langage

Le langage est souvent perçu comme un vecteur essentiel de communication et de collaboration. Pourtant, il peut parfois devenir un frein, source d’interprétations divergentes et de malentendus. Chaque individu, en fonction de son expertise, de son vécu ou de son contexte, développe des biais de langage qui peuvent nuire à la compréhension mutuelle au sein d’une même équipe.

Le prototypage apparaît alors comme un outil puissant pour contourner ces obstacles et fluidifier la communication. En rendant tangible une idée abstraite, il permet d’aligner les visions et de clarifier les attentes. Un artefact concret réduit l’incertitude et diminue le risque de quiproquo entre les différentes parties prenantes d’un projet, qu’il s’agisse de designers, d’ingénieurs, de marketeurs ou d’investisseurs.

Au-delà de la communication interne, le prototypage favorise également une meilleure prise de décision. Un prototype, qu’il soit physique ou digital, offre un support manipulable qui permet d’identifier rapidement des incohérences, d’explorer des alternatives et d’apporter des corrections dès les premières phases de conception. Cette approche itérative réduit les coûts d’erreurs en limitant les ajustements tardifs et les incompréhensions stratégiques.

 

Enfin, le prototypage joue un rôle clé dans l’engagement des parties prenantes. Disposer d’un modèle concret permet non seulement de tester et d’ajuster une solution avec les utilisateurs finaux, mais aussi de rassurer les investisseurs et sponsors en leur offrant une vision plus tangible du projet. Il devient ainsi un véritable levier d’adhésion et de validation, transformant les idées en réalités partagées.

Enfin, un prototype va permettre de créer quelque chose de concret à monter aux clients, mais aussi aux différents investisseurs et sponsors du projet.

Les différents « formats » de prototypages
1 – Le prototype de service vs le prototype digital

Le prototypage ne se limite pas aux produits physiques ou aux interfaces numériques ; il s’applique également aux services. Le prototype de service vise à tester et affiner l’expérience utilisateur dans un parcours global, intégrant des interactions humaines, des processus et des points de contact variés (physiques et numériques). Il peut prendre la forme d’un jeu de rôle, d’un storyboard ou d’une mise en situation simulée avec de vrais utilisateurs.

À l’inverse, le prototype digital est centré sur la conception et l’interaction d’une interface numérique (site web, application, logiciel). Il peut être représenté sous différentes formes, allant du simple croquis à une maquette interactive haute-fidélité.

 

Si le prototype de service permet d’anticiper des problématiques d’usage à une échelle plus large (organisation, flux d’information, expérience client), le prototype digital se concentre sur la conception de l’interface et son ergonomie. Les deux approches sont complémentaires et souvent utilisées conjointement dans des projets omnicanaux.

2 – Le prototype exploratoire vs implémentable

On retrouve aussi la dimension exploratoire ou implémentable du prototype. Là où un prototype  « réaliste » peut être implémenté en l’état, un prototype exploratoire a pour but de questionner et de challenger.

Le prototypage conceptuel est généralement utilisé dans les phases amont des projets pour tester les besoins utilisateurs et évaluer la valeur. A l’inverse le prototype réaliste sera utilisé plus tard dans le projet  et devra intégrer l’ensemble des contraintes techniques et budgétaire.

 

Par exemple, le provotype, est un prototype exploratoire qui a pour objectif de faire réagir les parties-prenantes et les équipes en les provoquant volontairement. On pourra décider de construir plusieurs versions dont certaines proposant une expérience dégradée ou négative.

3 – Focus digital : low-fidelity vs high fidelity

Un prototype digital peut être classé par niveau de fidélité, allant de la plus basse à la plus haute. Un prototype dit « basse fidélité » va correspondre à un croquis d’une application mobile par exemple . (ex : zoning, wireframe).

A l’inverse, le prototype high fidelity  est une maquette interactive qui reproduit fidèlement le design final, avec les couleurs, typographies, animations et interactions proches du produit fini.

Choisir son format de prototypage

1 – La finalité du projet : Avant de se lancer dans un prototypage, il est essentiel de définir clairement la finalité du projet. Chaque prototype doit servir un objectif précis : tester une idée, valider une hypothèse, simuler une expérience utilisateur ou encore convaincre des investisseurs.

Le format du prototype dépend donc directement de ce que l’on cherche à prouver ou à améliorer.

 

2- La complexité du projet :  Le niveau de complexité d’un projet influence directement le choix du format de prototypage. Un projet impliquant de multiples parties prenantes, des technologies avancées ou des réglementations strictes nécessitera un prototypage adapté à chaque phase de développement.

 

Dans un projet complexe, le prototypage progressif est souvent la meilleure approche. On commencera par des prototypes exploratoires ou conceptuels pour définir les besoins et tester différentes hypothèses sans investir trop de ressources. Ensuite, au fur et à mesure que le projet avance et que les exigences se précisent, des prototypes de plus en plus réalistes et détaillés permettront de valider les aspects techniques et fonctionnels.

 

3 – La maturité des entreprises : Certaines structures d’entreprises peuvent se montrer réticentes à investir dans un prototype qui n’apporterait pas de valeur ajoutée sur le très court terme. Par exemple, celles-ci seraient moins enclins à utiliser des prototypes conceptuels en début de parcours, jugeant inutile cette approche. Dans ce cas-là, une approche réaliste serait plus efficace pour convaincre les investisseurs et coordonner les équipes.

 

4 – Les ressources du projet : Ces ressources peuvent être budgétaires, mais aussi humaines. Un bon prototype sera toujours plus efficace avec une personne qui maîtrise les méthodologies nécessaires à la réalisation de celui-ci. En effet, pour un prototypage réaliste, il faut maîtriser le ou les outils nécessaires à la réalisation de celui-ci, comme Figma pour les Designer ou SolidWorks pour la production d’artefact High Fidelity en ingénierie. Il est aussi important d’avoir l’état d’esprit, le « mindset » adapté au projet : Quelqu’un de très compétent sur les outils, mais décalé par rapport aux lignes directives principales du projet, va créer un prototype. Cependant, ce prototype ne sera pas en phase avec celui-ci.

Capacité d’écoute, ouverture d’esprit, empathie et esprit analytique sont tous des soft skills nécessaires pour amener à bien un prototype efficace avec une vraie valeur ajoutée.

 

5 – La phase du projet : Le prototypage est un investissement de temps et de moyens conséquent en début de projet. Celui-ci va venir prolonger la phase de cadrage. Créer un ou plusieurs prototypes, les tester, les faire valider… sont beaucoup d’étapes rajoutées aux processus initial. Mais ce prolongement de la phase de cadrage va sécuriser les phases suivantes, voire les accélérer. En effet, avoir challenger très la valeur du projet va permettre de faciliter son bon déroulement et réduire les risques d’échecs dans les phases suivantes.

Conclusion : vers toujours plus de prototypage ?

Le prototypage s’impose aujourd’hui comme une pratique incontournable dans les processus de conception, d’innovation et de prise de décision. En permettant de matérialiser des idées et d’aligner les parties prenantes, il réduit les incertitudes, accélère l’itération et favorise une meilleure compréhension des enjeux.

Avec l’essor de l’intelligence artificielle, le prototypage connaît une transformation majeure. Les outils d’IA générative permettent désormais de créer des prototypes plus rapidement, en automatisant des tâches auparavant chronophages. Cette accélération du cycle de prototypage ouvre de nouvelles perspectives : tester davantage d’idées en un minimum de temps, réduire les coûts de développement et personnaliser encore plus les expériences en fonction des besoins spécifiques des utilisateurs.

Loin de remplacer la réflexion humaine, l’IA apparaît comme un amplificateur de prototypage, rendant cette pratique plus accessible et efficace que jamais. Dans ce contexte, l’enjeu ne sera pas tant de multiplier les prototypes que de les exploiter intelligemment, en combinant agilité technologique et vision stratégique.

Roxanne Spies
Consultante en Product Innovation Management et UX strategy - Lead du pôle formation